Aujourd’hui je vous parle du corps, celui de la femme, celui que l’on est censé chérir car c’est lui qui porte et donne la vie. Ce corps dont on ne sait quoi penser, que l’on a du mal à aimer, dont les formes semblent être dictées par des lois absurdes, celles de la perfection, perfection qui n’a elle même aucun sens puisqu’elle n’existe pas.

On ne m’a jamais appris à aimer mon corps et pourtant je pense que ce devrait être une des première chose que l’on doit enseigner à l’enfant. Apprendre à le découvrir, le comprendre, à l’apprécier et à vivre en harmonie avec lui. Notre corps c’est notre machine, notre pilier. Savoir le nourrir et l’entretenir devrait être une de nos occupations premières et pourtant ça ne l’est pas, du moins pas pour tout le monde. Mon corps, je ne l’ai jamais aimé même si je dois bien dire que ces dernières années m’ont donné l’envie de m’y reconnecter, grâce à une personne, l’homme qui partage mon quotidien.

Au cours de ma vie, qui n’est pourtant pas si longue, on m’a montré que les petits garçons ne se faisaient pas tant réprimander que cela quand ils soulèvent la jupe des filles dans la cours de l’école. Je ne compte même pas les fois où cela m’est arrivé. Je me souviens en avoir pleuré car je n’aimais pas l’idée que l’on puisse voir ce qui se cachait sous ma jupe. Du haut de mes 6 ans, je me sentais humiliée, moquée. Au collège, on m’a touché les fesses, une fois, deux fois, trois fois, et malgré mes demandes incessantes pour que le jeune homme arrête, il a toujours continué. Pourtant mon corps, il m’appartient et personne n’a le droit de se l’approprier ou de montrer ce que moi je n’avais pas envie de dévoiler, et lui, le jeune homme qui riait en me voyant le repousser, il aurait dû le savoir.

Premier dessin

Plus grande, en feuilletant des magazines, on m’a appris que les poils c’était dégoûtant, qu’ils fallait les raser, les épiler à la cire, à la crème, les supprimer définitivement jusqu’à utiliser un laser pour avoir la peau lisse d’une enfant avant la puberté. On m’a appris que les hommes n’aiment pas les poils, car avec eux, ma féminité s’en retrouvait amoindrie. Et malheureusement pour moi, bien plus tard, mon premier amoureux, qui soit dit en passant n’était pas une belle personne, a bien appuyé sur ce point en me disant que je ne trouverais personne d’autre que lui car je ne m’épilais pas partout. Qui voudrait d’une femme poilue ? Être une femme c’est être imberbe, je ne suis pas femme si j’ai des poils, les poils sont virils, et pourtant, ils sont bien là pour une raison, non ?

deuxième dessin

En grandissant, on m’a appris qu’il n’y avait qu’un seul corps qui pouvait être séduisant, celui de la minceur, de la belle femme aux courbes gracieuses, celle que l’on voit souriante sur une pub de maillot de bain avant l’été. Oui, on m’a appris que la minceur était reine. Dans la rue, à la télé, dans les films, le métro, le train, les arrêts de bus, les journaux, les magazines, tout, autour de moi me pointait du doigt en me disant : « hey, tu dois ressembler à ça si tu veux que l’on t’aime et que l’on te regarde un peu ! ». Alors mon corps, je l’ai meurtri, je l’ai amaigri, je l’ai trop nourri, je l’ai fatigué, je l’ai violenté pour qu’il ressemble à cette image, cette illusion qui n’existe que sur un bout de papier retouché et photoshoppé. Certes, j’ai vécu d’autres expériences traumatisantes qui m’ont fait haïr mon corps mais celle-ci en fait définitivement partie. C’est comme si on m’avait lavé le cerveau à coup d’images faussées, à coup d’images fantômes.

Troisième dessin

On m’a aussi appris que le maquillage permettait de cacher les imperfections de mon visage, imperfections qui pourtant sont miennes, m’appartiennent et déterminent ce que je suis. En les cachant je me cache moi même, je me recouvre d’un voile faussé qui dissimule ma personnalité, ma peau, mes yeux, mes lèvres, mon visage, ma vraie beauté en fin de compte. On me vend du jean qui remonte les fesses, des culottes montantes qui cachent mes petits bourrelets disgracieux, des soutifs rembourrés pour que j’aie de gros seins, des chaussures à hauts talons pour avoir l’air plus grande et élancée, de l’autobronzant pour cacher ma peau trop blanche, du superflu encore, encore et encore…

quatrème dessin

Et puis enfin, un jour, j’ai eu une révélation : toute ma vie on m’avait en fait… menti. J’ai compris que je n’avais aucune raison d’être tiraillé entre la jolie femme aux courbes gracieuses de la première page et la barre chocolatée de la troisième. J’ai compris qu’un homme n’était pas forcément attiré par la minceur, j’ai compris que mes poils n’étaient pas dégoûtants, que mon visage au réveil pouvait être joli, que mon corps m’appartenait et que j’avais le droit de dire non si je le voulais. J’ai compris qu’il n’y avait pas qu’une seule beauté mais qu’il y en avait des centaines, j’ai compris que je n’avais pas à avoir honte de ce à quoi je ressemble et que mes imperfections pouvaient être une force, un trait de caractère. J’ai appris que l’amour ne passait pas que par l’apparence et que l’on peut être aimé autrement.

Dessin 5

Aujourd’hui, je sais enfin dire non, je ne m’épile pas lorsque je n’en ai pas envie, je ne porte pas du maquillage tous les jours, je ne me sens pas laide quand je me regarde dans une glace et je sais que mon amoureux m’aime malgré tous les carcans et lois que la société inflige au corps de la femme. J’aimerais aimer mon corps autant que mon amoureux l’aime, mais je n’y arrive pas, sûrement parce que mon cerveau n’est pas encore entièrement lavé de toutes ces images qui maintenant me laissent pourtant de marbre. J’arrive enfin à y voir le faux, la laideur du mensonge.

desson6

Parfois je me demande si un jour j’ai une fille, dans quel monde grandira-t-elle, ce que la société lui fera subir et comment je pourrais la protéger de tout cela. J’aimerais tellement, si elle existe un jour, qu’elle ne vive pas ce que moi j’ai vécu, qu’elle ne vive pas l’humiliation, qu’elle ne se sente pas enfermée dans un corps qu’on accuse d’être moche, qu’elle ne sente pas cette pression perpétuelle que l’on nous inflige (et là je ne parle pas que de pression sur notre physique mais de bien d’autres choses). J’aimerais qu’elle grandisse dans un monde où l’homme et la femme sont enfin égaux, pour de vrai et qu’il n’y ait pas plus de pression sur l’un que sur l’autre. J’aimerais que les filles ne soient pas roses et que les garçons ne soient pas bleus, j’aimerais que toutes les portes lui soient ouvertes. Je voudrais que ma fille aime son corps, qu’elle le chérisse car il peut lui aussi donner la vie, il peut courir très loin sans s’arrêter, il peut porter les pires fardeaux, il peut supporter les choses les plus horribles et s’en relever, son corps, le mien, celui de mon amoureux, ils sont tous magiques et c’est pour cela qu’il nous faut apprendre à les aimer.

Ce corps que l’on nous apprend à haïr
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7 avis sur « Ce corps que l’on nous apprend à haïr »

  • 12 juillet 2017 à 13 h 47 min
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    Merci pour ce superbe article! Je te rejoins sur chaque point et oui, arrivé à un certain âge je crois qu’on arrive a se détacher un peu de cette image fausse du corps et s’aimer un peu (en tout cas arrêter de se détester). Je suis maman d’une petite fille et j’aimerai aussi que plus tard elle ne soit pas obsédée par son apparence et son corps mais, malgré tout nos effort, je pense que les médias et le regards de ces copains d’école prendra le dessus. J’ai l’impression que les choses changent un petit peu et à nous de faire grandir ces valeurs.
    Encore bravo pour cette article dont j’adore les illustrations 🙂

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  • 12 juillet 2017 à 21 h 48 min
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    Eh bien tu as parfaitement raison de dire tt celà et j’espère que tes lectrices et lecteurs prendront bonne note de tout. Avec de telles remarques, le monde ne peut qu’évoluer !! BRAVO

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  • 13 juillet 2017 à 10 h 00 min
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    Oui c’est certainement ce que 99% d’entre nous pensent. Et c’est à nous mamans, taties, mamies et amies à aider les jeunes filles qui nous entourent, à les armer et à les faire s’aimer. Malheureusement je pense que les images conjuguées des médias et des lobbies ont encore de belles années devant elles….Chaque saison à son lot de dictats et l’été n’e fait que commencer !
    Mais même si votre article peut paraître une goutte d’eau dans l’océan, qui sait il ne va pas transformer l’essai en pavé dans la mare ?!
    Et puis que ça fait du bien de lire des paroles qui s’accordent si bien à nos pensées
    Longue vie à votre blog

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  • 28 août 2017 à 19 h 32 min
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    Merci pour ce magnifique article. Il reflète malheureusement tellement la société dans laquelle nous vivons. Une des premières choses que les parents devraient apprendre à leur enfants c’est à s’aimer eux meme et à être maitre de leur corps.
    L’année dernière je me suis lancé un défi de passe un an sans m’épiler les jambes et c’est pas s’y mal je ne sais pas encore si je vais me remettre à l’épilation à la fin des un an mais une chose est sûr l’homme lui sans fiche poils ou pas poil ça ne change rien pour lui.
    Bonne soirée
    Mélanie

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  • 3 octobre 2017 à 14 h 39 min
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    C’est très bien dit, très bien écrit. Nous subissons les dictats, rêvant d’un corps qui n’est pas le nôtre. Tu as raison, apprendre aux petites filles à s’aimer telles qu’elles sont est capital.
    S’accepter, être vrai ! Pour vivre pleinement sa vie, en accord avec soi-même.
    Ton texte est très émouvant. Il m’a beaucoup touchée. Je t’embrasse Charlotte.
    Nico’s Mum

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    • 5 octobre 2017 à 19 h 02 min
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      Bonsoir Nadine,

      Je ne savais pas que vous lisiez mon blog, ça me fait donc très plaisir de lire votre commentaire. Cet article était vraiment très important pour moi. Merci beaucoup de passer par ici 🙂 !

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